Conçue à l'origine pour la manifestation World Event Young Artists 2012 durant l'Olympiade culturelle de Nottingham, Angleterre, l'installation vidéo immersive d'Edward Maloney, Figments of Reality (La réalité, parcelles imaginées), est présentée pour la première fois à Montréal, à pfoac221.
Une vidéo de 7 minutes d'un restaurant modeste de la Petite Italie, Dinette Triple Crown, vu à travers sa devanture vitrée est projetée grandeur nature sur le mur de la galerie. Les visiteurs s'approchant voient leur propre reflet apparaissant simultanément dans la vitre. Mêlés aux phares du passage occasionnel de voitures, les mouvements de leurs corps se superposent à ceux des employés du restaurant qui, calmement, terminent leurs tâches de la journée. Les clients entrent, rapportent leurs « paniers à repas » vidés, puis ressortent du cadre, s'aventurant au-delà du regardeur, pour entamer tranquillement la soirée qui les attend.
L'utilisation de la technologie pour produire des rencontres singulières entre les œuvres et les regardeurs participants est devenue une caractéristique clé de l'art interactif, qui incorpore efficacement le public à l'étape finale de la réalisation d'une œuvre. Ce qui est important ne sont pas les éléments de l'œuvre elle-même, mais ce qui se produit lorsque nous entrons en contact avec ces éléments. « Ce que peut faire l'art interactif, explique le théoricien Brian Massumi, est de prendre pour objet la situation. » [1]
Dans Figments of Reality, le reflet de la silhouette du visiteur s'intègre à l'activité du restaurant, faisant se dissoudre les frontières temporelles et spatiales entre visiteurs et scènes de la vidéo. Les clients et les employés vont et viennent, et leurs allers et retours élargissent l'espace initial pour en faire une installation pleinement immersive. Cette apparente homogénéité génère la situation (dont parle Massumi), à partir de laquelle chaque regardeur incarne sa propre réalité inventée. Au bout du compte, c'est la présence imaginée du regardeur sur le trottoir, regardant à l'intérieur de ce petit restaurant, qui est ici cadrée.
La pratique de l'artiste de Vancouver Stan Douglas a été une source d'inspiration pour cette œuvre. À l'aide de la vidéo et de la photographie, Douglas revisite souvent des événements et des lieux du passé, de façon à les imaginer réellement au présent. Son travail vient troubler les notions de linéarité et de contexte, de même que celles de l'histoire et de la vérité objective, afin de questionner, d'exposer et d'examiner le passé.
Avec Figments of Reality, Maloney offre un condensé de 7 minutes de vie de quartier à Montréal. Sa vidéo en boucle étend la familiarité du quotidien en une sorte d'expérience perpétuelle. Les visiteurs sont présents et font partie intégrante d'une soirée à un café-restaurant local, où ils se trouvent, sans forcément le chercher, à interagir avec des parcelles imaginées de la réalité.