No Homo: Art, assistants, and emulation.
“A n d i f h e w a n t s o m e p u s s y t h a t ’ s a n o - n o / I o n l y f u c k w i t h b a d b i t c h e s n o h o m o ”
- Nicki Minaj (2010).
Durant la Renaissance, les ateliers de Raphaël et de Michel-Ange étaient des lieux animés, fréquentés par de jeunes artistes venus s’y former. Ils y affinaient leurs habiletés créatives et y apprenaient des processus essentiels pour établir, par la suite, leurs propres pratiques.
Raphaël était encore enfant lorsqu’il entreprit une formation d’apprenti dans l’atelier de son père. Il y apprit les habiletés techniques nécessaires à la production d’œuvres d’art, dont le broyage de pigments et le processus fastidieux de préparer les fonds pour les peintures à l’huile et à la détrempe. Ces étapes ont conduit à l’émulation de la technique du maître, permettant au jeune artiste de développer des habiletés artistiques qui l’amèneraient à égaler, puis à surpasser celles de son professeur.
Le peintre Jacques-Louis David avait plus de quarante apprentis durant les premiers dix ans de son activité en tant que maître d’atelier. Jean-Germain Drouais et Anne-Louis Girodet-Trioson, tous deux adolescents au moment où ils intégrèrent l’atelier de David, furent rapidement reconnus comme les artistes les plus prometteurs de leur génération.
L’atelier de David fonctionnait à certains égards comme une famille élargie, tout particulièrement pour ceux de ses jeunes étudiants qui étaient sans père. À cette époque, la vie d’atelier se déroulait loin de la présence des femmes. La tentative de David, en 1787, d’inclure des femmes fut fermement rejetée par l’Académie. Cette exclusion des femmes confirmait la masculinisation de l’art et le cadre de référence à sexe unique clairement établi par le travail des artistes néoclassiques formés dans l’atelier de David. Il planait, dans cet atelier, une atmosphère homoérotique, et ce frisson ne fit que s’accentuer lorsque les plus attirants des jeunes étudiants masculins furent recrutés par leurs paires pour poser nus. Bien que mon personnel d’atelier ait déjà été entièrement féminin, j’y poursuis actuellement la tradition de David, no homo[1].
La plupart des mécènes connaissent peu de choses au sujet du fonctionnement interne d’un atelier d’artiste; ne soupçonnant pas, par exemple, que plus de la moitié du temps de travail des artistes se passe loin de leurs toiles, afin de gérer les tâches récurrentes du quotidien – courriels, contrats, éléments de logistique. Pour l’artiste de jadis et d’aujourd’hui, il arrive un moment où l’embauche d’assistants devient une nécessité s’il veut continuer à produire de l’art.
Le processus d’émulation permet aux jeunes artistes d’acquérir des habiletés fondamentales pour le développement d’une pratique artistique originale. Dans mon atelier, les assistants ont l’obligation d’émuler mon approche personnelle de la peinture. Or, mes assistants sont des artistes éclairés et talentueux à part entière, et je suis très heureux de présenter cette exposition de leur art tout à fait personnel.
En 2008, j’ai eu besoin des services d’un peintre pour m’assister dans la réalisation d’arrière-plans. Don Monkman, mon frère, a pris une année sabbatique de son travail en tant que designer web afin de me venir en aide. En quelques semaines, il était parfaitement en phase avec mon approche de la peinture de paysage. Le travail de Don exposé ici s’inspire de celui de Rubens et de Philippe de Champaigne; on y voit un Nanabozo musclé se faisant froidement couper les tresses par une religieuse indifférente. Cette peinture est une excoriation non dissimulée de l’héritage de la colonisation des peuples autochtones au moyen du système scolaire résidentiel. Elle est également une métaphore du pouvoir de la spiritualité autochtone coupé et écarté par le christianisme.
Durant l’été 2011, les demandes d’exposition se sont multipliées, et je me suis rapidement retrouvé dépassé par une longue liste de tâches administratives, qui plus est, en manque de temps pour faire ce que je sais faire le mieux – peindre; c’est alors que j’ai embauché Brad Tinmouth. Il a agi comme responsable de projet pour des installations de grande échelle, a peint, a travaillé au montage de vidéos et a réalisé les premiers jets de diverses propositions artistiques. Brad brasse sa propre bière, et cultive et met en conserve ses propres légumes, pour en faire de l’art. Se servant de techniques hydroponiques et traditionnelles, ainsi que d’espèces végétales oubliées, mais d’héritage familial, Brad conçoit des installations d’art qui fonctionnent comme des systèmes durables autonomes. Son art est à la fois une émulation et une extension de son mode de vie autosuffisant. Sa démarche vise à éduquer et à informer, par la présentation de concepts qui encouragent les autres à adopter un mode de vie plus autonome.
Au début de l’année 2012, Brian Rideout a entrepris le travail de m’assister en tant que peintre. Dans sa propre pratique, Brian travaille à partir d’images trouvées qu’il imprime et reproduit à l’échelle sur toile, au moyen de la technique classique de la grille. Il s’intéresse à la fonction et à la référence historique de l’image reproduite, ainsi qu’à la similarité de fonction entre ce type d’image et les peintures du passé. Les images qu’il sélectionne attentivement ont l’apparence et donnent l’impression d’une peinture. Brian considère son image source – une impression au jet d’encre d’une photo glanée sur le Web ou une photographie de revue – comme un objet en tant que tel, plutôt que comme le sujet représenté dans la photo. Il s’applique à reproduire les imperfections et les irrégularités de la surface bidimensionnelle. En traduisant les photographies en peinture, Brian accorde la même importance aux incohérences de surface qu’aux sujets des photos. Il se sert de la peinture comme un moyen pour explorer et canoniser l’image.
Rory Dean, qui a récemment intégré l’atelier, glane son imagerie de différentes sources photographiques – Internet, les journaux et les revues –, mais à la différence de Brian, il se préoccupe moins du respect des matériaux premiers. Il puise plutôt à diverses sources qu’il n’hésite pas à fusionner, afin d’en tirer une image finale. Il transforme des icônes de la culture pop, des héros du sport, des comédiens télé et des vedettes rock en des portraits percutants d’apparence dystopique et sinistre, malgré la vivacité de sa palette. Des aphorismes griffonnés dans une variété de techniques non conventionnelles accompagnent à l’occasion ses peintures, qu’il dispose à la manière d’affiches dans la chambre d’un adolescent rebelle. Puisque je demande à mes assistants d’émuler ma propre approche picturale, la remarquable capacité qu’a Rory d’observer et de méticuleusement extraire de l’information d’imagerie préexistante, font de lui un véritable atout pour l’atelier.
- Kent Monkman
[1] L'expression no homo, l'équivalent de « pas gai », est entrée en usage à Harlem au début des années 1990. Elle fut enregistrée pour la première fois en 2003, puis popularisée par Cam'ron des Diplomats. Utilisée à l'origine pour nier des transgressions d'ordre sexuel, elle est devenue une formule familière, souvent employée comme chute.
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(en anglais seulement)
A proud member of Fisher River Cree Nation, Don Monkman's diversified career has included working as a freelance illustrator, graphic designer, creative director, web designer and painting assistant for his brother, Kent Monkman. Don graduated in 1985 from Sheridan College's illustration program.
Brad Tinmouth is an artist living and working in Toronto, Canada. His work aims to make everyone as happy as he is. Tinmouth is the co-director of Butcher Gallery, a founding member of Pro Click Dot Biz and Studio Manager for Kent Monkman. His work has been shown at Nuit Blanche in Toronto, Esam Caen in France, Preteen in Mexico and most recently at Dokfest in German. His work has been reviewed in Art 21 Online, Canadian Art Online. He has an upcoming solo exhibition at Cooper Cole in Toronto.
Brian Rideout (b. Hoboken, NJ) is a painter living and working in Toronto. He graduated with a BFA from Georgian College in 2008, where he was awarded the Fine Arts Award of Merit. Rideout has exhibited widely in Toronto, including solo exhibitions My Friends are Your Friends (ARTSPACE, 2008), I'll Teach You How to be Good (52 Mccaul, 2010), and At the Races in the Countryside (Butcher Gallery, 2012). He is part of an upcoming group exhibition Theres Nothing LOL About RIP at Galerie Coatcheck, both in Montreal.
Born in 1981, Rory Dean is a graduate of OCAD University(2006) where he studied Painting&Drawing. He has exhibited across Canada and internationally- US, UK. He currently lives and works in Toronto as a painting assistant to Kent Monkman.