"C'est en observant un de mes professeurs il y a 30 ans que l'idée m'est passée par la tête : Au lieu de chercher à comprendre le sens de ses propos, je me suis mis à observer sa manière de les livrer. Je me suis dès lors mis à voyager à travers les couches de signes et de sens dans toutes les circonstances de la vie, prenant plaisir à découvrir l'incongru dans les situations familières, ou des récurrences dans des contextes nouveaux et inédit.
Ce jeu de passage entre les niveaux de la réalité a amplifié autant mon plaisir du voyage que celui de me trouver immobile devant une fenêtre familière du quotidien. Mon regard s'est ainsi graduellement porté de l'objet vers le contexte, de l'isolement vers l'immersion, du portrait vers le paysage, du cadre à l'horizon qui se trouve derrière, tout entier.
Horace Benedict De Saussure est venu, 237 ans plus tard, clarifier pour moi l'utilité de cette démarche alors qu'il décrit dans son Voyage dans les Alpes l'importance des vues d'ensemble, par opposition à la surenchère des détails qui leur font obstruction; il formule ce point de vue dans les instructions qu'il laisse à l'illustrateur Théodore Bourrit, pour représenter la vue circulaire qui s'offre à lui depuis le sommet du Glacier de Buet.
Cette sensibilité aux ensembles prend aujourd'hui la forme de lectures décalées des textures du quotidien et des espaces qu'ils font apparaître. Le véritable sujet de l'exposition est cet espace, virtuel et conceptuel, qui enveloppe la galerie et qui s'ouvre à travers quelques fenêtres posées dans l'espace; les objets physiques sont des signes de piste, des indices, des clefs qui ouvrent cet espace et lui donnent une cohérence. Les artéfacts, dont certains ont 30 ans, donnent ainsi la mesure des transformations qui, au fil des ans, forgent une démarche artistique."
- Luc Courchesne