Pierre-François Ouellette art contemporain est heureux de présenter une exposition solo de nouvelles photographies de Chih-Chien Wang, la première à la galerie depuis son exposition personnelle au Musée des beaux-arts de Montréal en 2013.
L'approche réfléchie de l'artiste à la documentation poétique de la vie se poursuit ici avec un corpus qui présente ses expériences avec le passage du temps et la distance entre son origine et le sens de sa vie aujourd'hui.
«Nous faisons de la bicyclette dans le parc, la piste est longue, le soleil brille, et après 30 à 60 minutes, dans l’ombre des arbres, nous sommes perdus. Ce n’est pas que nous ayons perdu notre chemin, mais nous avons perdu notre perception dans la complexité des arbres et du ciel. Nous sommes perdus en raison de la chaleur du soleil, des verts des arbres, du blanc et du bleu du ciel, et de la longue attente d’un hiver qui semblait ne jamais vouloir finir, quand tout à coup, l’été. Nous sommes perdus parce que d’une quelconque manière la vie s’est révélée à nous et nous domine avec son pouvoir imprévisible et sans fin. Alors nous nous étendons sous les arbres et le soleil brillant. Nous faisons partie de la nature, mais avec l’habit de la civilisation, nous avons hâte d’embrasser ce que nous étions, d’où nous venions, mais en même temps, de nous sentir perdus dans l’insignifiance du présent. Nous cherchons une origine, qui ne soit pas forcément un pays ou une terre, mais une mer. Quelle distance s’est installée ? Quel temps s’est écoulé entre nous ici et elle là-bas – la mer, où tout a commencé ?
Taïwan est entourée de mers. Alors chaque fois que Shaore, mon fils de cinq ans, me demande comment on s’y rend, je lui réponds « en avion ». La mer devient une barrière nous séparant de la parcelle de terre d’où nous venons, non pas un véhicule pour nous ramener à la maison. Une fois que nous songeons au concept de retour, il entre peu à peu dans le processus de devenir : nous ne retournons pas, mais nous devenons la terre elle-même, définissant notre position tandis que nous nous tenons la main, et nous regardons dans les yeux, cherchant des traces de notre existence. Nous formons une unité, nous sommes inséparables. Le désir de l’un devient le désir de l’autre, la douleur de l’un devient la douleur de l’autre.
Le travail présenté dans cette exposition est le reflet de la façon dont je comprends ma relation avec la nature et avec des membres de ma famille, dans le contexte d’une observation de la construction de la perception. La photographie, ici, sert à expérimenter avec l’observation de l’expérience quotidienne, mais aussi à témoigner de l’échec d’une tentative de comprendre ce qui a peut-être été vu, mais n’a pas encore été saisi. L’ensemble de ces œuvres a pour but de poursuivre l’absence d’origine et d’accueillir le processus de devenir.
Le contenu de l’exposition consiste en trois groupes d’images : Soleil père fils (voir l’homophonie du titre original anglais Sun Father Son), Une photo de l’été,et Petits gestes. Ces trois ensembles d’images traitent d’une volonté, floue mais constante, de comprendre sa position actuelle par rapport à la nature, à mon environnement, à l’espace, à l’origine, et aux membres de ma famille qui me sont les plus proches. Ces recherches ne se veulent pas rationnelles, elles suivent plutôt un courant d’expériences subjectives et imprévisibles. La répétition de gestes et l’étude de la perception informent le processus, tandis que la surface des matériaux et les techniques employées participent au récit.
Les contenus communs entre ces trois séries s’unissent pour former l’œuvre globale D’ici à la mer. La photographie est une technique pour examiner la surface du passé en dialogue avec le présent, tandis que les perceptions multiples sont formées de façon à ne pas offrir une vision fixe, mais à proposer une sorte de perte d’orientation. L’œuvre propose un processus d’enracinement dans la terre, même si ce que nous désirons est la mer .»
- Chih-Chien Wang