La galerie Pierre- François Ouellette art contemporain est heureuse de présenter une exposition des nouvelles peintures et aquarelles de l'artiste émergent John Player. Point culminant du travail réalisé lors de sa maîtrise en arts visuels à l'Université Concordia, ce corpus présente une vue sobre et détachée de la culture de surveillance. Les multiples systèmes de défense qui semblent mis en place face à une menace inconnue, mais constante sont dévoilés à partir d'images prélevées dans les médias, journaux et archives trouvés principalement sur internet. Dans ces oeuvres, l'obsession de la culture dominante avec la vitesse et le contrôle est confrontée à la lecture lente de la peinture. La banalité et la distraction de la technologie sont ici mises au défi par le souci que Player accorde au travail de peintre.
Ce travail spartiate, quelque peu minimal, présente une dualité de points de vue intérieur et extérieur d’infrastructures de surveillance. On y retrouve une impression de la mécanisation interne d’un système, ainsi que de son expression physique externe. L’emphase de cette production, le plus souvent dépourvue de représentation d’êtres humains, semble être mise sur la structure anonyme de la défense et de l’économie. Et ceci attire également notre attention sur le réseau utilisé dans le contexte d’une politique de domination, ou sur la banalité du système bureaucratique utilisé pour administrer et financer cette politique. L’invisibilité et le caractère secret de la sécurité omniprésente et de la surveillance de masse nourrissent l’œuvre, créant un environnement de déception, décuplé par la part de déception inhérente à l’art pictural. Le regard extérieur de l’observateur demande qui regarde qui; une surveillance de la surveillance suggère un échantillonnage de sa propre culture voyeuriste et de la domination implicite de l’écran.
L’idée de l’œil mécanique est centrale à l’œuvre : la guerre des drones et les systèmes autonomes de commande et de contrôle à distance – d’une précision apparemment chirurgicale, bien que ciblant aveuglément l’inconnu à partir de postes d’observation panoramiques – y constituent un récit mystifié. Que ce soit dans des paysages grands ouverts ou dans des bunkers caverneux, la menace d’une guerre préventive et permanente est apparente. Faisant référence à la relation étrange à la technologie de défense archaïque des années 1980, l’escalade qui a mit fin à l’équilibre des pouvoirs, l’exposition dans son ensemble produit une impression de tension psychologique, suggérant un moment de stase inquiétant dans le progrès de la destruction. L’œuvre montre une sténo picturale austère, réalisée avec avec une précision quasi maladroite: la qualité séduisante de la matière picturale est rendue étrangement troublante par le dévoilement d’outils de pouvoir intrinsèquement immunisé contre le désaccord.
La peinture de Player ralentit la composante visuelle de l’événement numérique en temps réel, et révèle la délibération et le processus. La confusion de l’inévitable chaos invariablement rattaché à la matière source est effacée. L’illusion qui demeure, l’image réutilisée dans un contexte différent de plus, développe un sens dépourvu de tout éloge impérialiste du progrès. Le résultat peint est un changement temporel; avec l’image en boucle figée, nous sommes confrontés à l’illusion d’une technologie caduque.
Ici, la peinture amène une compréhension humanisée au climat insidieux de la peur, du contrôle et de la militarisation – l’attraction de l’humanité pour le spectacle et la guerre, la domination et le voyeurisme est disséquée, tout en étant captée par le dispositif lui-même. Répondant à un besoin personnel de résister à l’incessante célébration de la guerre politique et économique dans les médias, dans la technologie et dans les processus décisionnels, Player perturbe ce spectacle déshumanisant par une réflexion critique au sujet de la culture de la vitesse, reconstruisant le récit et offrant une résistance à la vision normalisatrice du monde qu’affiche la culture dominante.
La galerie tient à remercier la SODEC pour son soutien.