La galerie Pierre-François Ouellette art contemporain est fière de présenter Chains & Crowns, la première exposition individuelle de Stephane Alexis à Montréal.
"De bons cheveux ou de mauvais cheveux I. À première vue, cela peut sembler être une préoccupation simple, voire superficielle—peu importe qui vous êtes, quel est votre âge ou d'où vous venez, ce que vous voyez dans le miroir et la façon dont vous vous présentez (et les cheveux en sont indéniablement une grande partie) est le plus souvent un début de routine aux exigences pratiques de la vie quotidienne. Pourtant, plus on y réfléchit, plus cette notion particulière de "bon" ou "mauvais" devient complexe. Les cheveux sont un signal extérieur de perception intérieure qui, selon votre point de vue et vos priorités, peut être un facteur important de confiance en soi, de bien-être personnel, de statut social, de choix politique et de réussite professionnelle. La façon dont nous projetons ces facteurs un jour donné, que nous soyons proprement coiffés ou punk ébouriffés, est largement déterminée par un carnet de style sous-jacent composé d'indices et de codes d'aspiration dirigés autant par l'usine à images des magazines de mode et des médias sociaux que par les marges bénéficiaires de l'industrie de la beauté. Qu'on le veuille ou non, être bien ou mal coiffé est plus compliqué qu'il n'y paraît.
De bons cheveux ou de mauvais cheveux II. Dans leur étude phare, Hair Story : Untangling the Roots of Black Hair in America, les auteurs Ayana D. Byrd et Lori L. Tharps retracent l'histoire culturelle, commerciale et politique des cheveux noirs depuis l'Afrique du XVe siècle et le traumatisme brutal du passage du Milieu, en passant par les sinistres indignités de l'esclavage et de Jim Crow, jusqu'aux refus radicaux du Mouvement pour les droits civiques, le Black Power, et ses échos variés (et parfois contradictoires) au XXIe siècle. Tout au long de l'ouvrage, Byrd et Tharps soulignent à quel point les réalités fondamentales et les systèmes de valeurs eurocentriques imposés par ce binaire "bon ou mauvais cheveux" ont été et continuent d'être profondément ancrés chez les Noirs américains (et chez les femmes et les hommes noirs du monde entier, d'ailleurs). À bien des égards, il s'agit d'une histoire de conformité et de résistance, d'assujettissement et de fierté, de politique de l'apparence et d'affirmation de la différence—toujours comme une question de survie. Mais c'est aussi une histoire d'innovation (la première femme millionnaire aux États-Unis était Madame C.J. Walker, une entrepreneuse noire spécialisée dans les soins capillaires), d'appropriation (y compris la controverse sur Bo Derek qui a "popularisé" les tresses perlées dans le film 10) et, peut-être surtout, de communauté, où les heures passées régulièrement dans les salons de beauté, les salons de coiffure ou les cuisines de quartier offraient une sécurité rare pour partager des connaissances intergénérationnelles et renforcer la résilience.
De bons cheveux ou de mauvais cheveux III. Le dépassement de l'adversité et le pouvoir de guérison de l'expérience culturelle partagée sont au cœur de la série de photos Chains & Crowns de l'artiste d'Ottawa Stéphane Alexis. Chaque image de la série (dont certaines ont été prises dans un studio ad hoc situé à l'arrière d'un salon de beauté local) représente une coiffure noire différente—tresses en queue de poisson, tresses en boîte, torsades sénégalaises, nœuds bantous, décolorations à haute coupe, afros—qu'Alexis a ensuite affinée numériquement et mise en valeur de manière sélective avec une aura de couleur subtile déterminée en conversation avec ses modèles. Il s'agit d'une série de portraits de la façon dont l'identité est perçue, créée et encadrée. Les lignes, les tissages et les formes complexes de chaque coiffure, dont la réalisation et l'entretien nécessitent souvent des heures d'expertise, prennent la forme de géométries sculpturales uniques—un indice révérencieux de la forme, du travail et de la beauté. Mais ce qui est le plus révélateur, c'est la décision d'Alexis de ne photographier que l'arrière des têtes de ses modèles, qui flottent isolées sur d'insondables fonds noirs. Cette décision s'inspire en partie, dit-il, de la confusion innocente qu'il a ressentie en tant que seul élève noir de sa classe d'école primaire, lorsque ses camarades lui demandaient s'ils pouvaient toucher ses cheveux. C'est une expérience familière pour beaucoup qui révèle une fois de plus l'héritage long et persistant d'une identité noire essentiellement déshumanisée. Mais pour Alexis, cette réalité présente également une opportunité, indépendamment de la culture ou de la race incarnée dans ses photographies—de célébrer la beauté de la différence, de désapprendre les distinctions câblées entre le "bon" et le "mauvais", et de trouver un terrain d'entente où les traumatismes du passé ont le potentiel d'informer un présent et un avenir plus prometteurs. -Bryne McLaughlin
Chains & Crowns (2020)
Ces photographies issues de la série Chains & Crowns célèbrent l’héritage des communautés noires à travers leurs coiffures. Alors que les normes de beauté jugent encore le cheveu crépu peu soigné, laid, sale, poussant les noir.es à se lisser les cheveux avec des produits à l’ammoniaque ou au formol, l’appropriation des coiffures africaines, et particulièrement des tresses, se perpétue depuis la nuit des temps. Inspiré du parcours capillaire de la mère de l’artiste, ce projet photographique retrace les différentes coiffures inventées par les noir.es, symboles de leurs créativité, résistance et résilience.L’artiste souhaite interroger l’histoire de notre ère nappy (mouvement contemporain de valorisation des cheveux crépus naturels) et ainsi susciter le dialogue. Comment cerner l’importance des coiffures dans les cultures noires, remédier à la violence des appropriations culturelles et réaffirmer la dignité des communautés noires ?
Le travail de Stéphane Alexis émane de ses expériences personnelles avec les segments démographiques et sous-démographiques auxquels il appartient. À travers une perspective différenciée, Alexis magnifie la résilience et la dignité de ses communautés et engage l'Autre à remettre en question sa propre connaissance et conscience.
De l'exploration de la masculinité aux enjeux de la communauté afro-canadienne, de l'univers des personnes ayant des besoins spéciaux à celui des aidants familiaux, Alexis effectue de nombreuses recherches en puisant à la fois dans sa propre expérience et dans des sources externes pour le guider dans l'orientation de chaque projet.
Par les qualités plastiques et conceptuelles de son travail photographique, Alexis souhaite jeter un pont vers une meilleure compréhension des situations et des problèmes auxquels sont confrontées ses communautés.
Stephane Alexis est un artiste canadien d'origine caribéenne qui vit à Ottawa. Diplômé du Collège Algonquin, il est également titulaire d'un diplôme en arts et production photographiques de la School of the Photographic Arts (SPAO) d'Ottawa. Stéphane Alexis a reçu plusieurs bourses du niveau municipal au niveau fédéral et vient de présenter sa dernière série dans l'exposition Karsh Continuum 2022 (Ottawa).
Stephane Alexis expose aussi présentement à Montréal dans le cadre de le festival Art Souterrain "Voies-Voix résilientes" certaines photos de la série Chains & Crowns en format monumental jusqu'au 30 juin 2022.