La galerie Pierre-François Ouellette art contemporain est heureuse de présenter Mots perdus du 24 mars au 6 mai 2006. Ancrée dans l’univers du texte, Mots perdus est une exposition explorant les langages non-écrit, effacé et réimaginé des mots. Elle réunit entre autres des œuvres sur papier de Michael A. Robinson et de John Latour et présente aussi le travail des artistes invités Paul Butler et Mike Patten.
Michael A. Robinson présente une série de dessins récents en continuité avec une décennie de production réalisée au moyen de la technique graphique, à présent désuète, du Letraset (caractères adhésifs à décalquer). Les œuvres de Robinson entament un dialogue dynamique avec l’histoire de l’art d’inspiration textuelle, depuis ses origines modernes jusqu’à aujourd’hui. L’exploration formelle et esthétique que poursuit Robinson avec cette série subvertit l’utilisation traditionnelle des lettres, en tant que « blocs » à construire des mots, afin de produire de fascinantes abstractions visuelles.
John Latour présente des pages encadrées d’une série sans titre et continue qui remonte à 1999. L’artiste applique des couches de peinture blanche sur des mots et sur des passages entiers de quelques-unes de ses œuvres de fiction préférées, dont Frankenstein ou le Prométhée moderne et Docteur Jekyll et Mister Hyde. Latour efface en quelque sorte les histoires originelles, créant de nouveaux textes ambigus à partir des mots qui demeurent. Les histoires qui en résultent sont souvent fragmentaires ou suggèrent des situations étranges. Dans certains cas, les mots des contes gothiques originels se laissent deviner sous la surface de la peinture ou sont visibles depuis le verso de la page.
Depuis 1999, Paul Butler dresse de façon obsessionnelle des listes de ses aspirations et de ses rêves personnels. Il les entre à l’ordinateur, les imprime et les porte sur lui, dans ses poches d’habits. Dès qu’un but particulier est atteint, l’artiste le biffe sur la liste. Après avoir compilé plusieurs centaines de pages de listes, Butler prit la décision de les relier en un recueil. Il présente ici deux volumes reliés tirés de la série Things to Do. Les lecteurs n’y trouveront aucun ordre défini et des objectifs parfaitement banals sont souvent suivis d’entrées plus cryptiques. Ces compilations comprennent des mots rayés aussi bien que de mots demeurés intacts. Things to do est devenu le projet d’une vie pour cet artiste qui ne le voit pas uniquement comme un journal intime, mais aussi comme une collection d’autoportraits.
Mike Patten présente une sélection d’œuvres appartenant à Lost Thoughts, une série de notes personnelles rédigées fidèlement à l’écran de son ordinateur de poche à l’aide d’un stylet. Ce projet combine les gestes intimes de l’écriture et du dessin avec une technologie mobile et numérique accessible. Lost Thoughts peut aussi être interprétée comme un journal interactif sujet à des révisions continues de la part de l’artiste. Si Patten agit de façon systématique dans la mise en mots de ses pensées, il n’hésite pas pour autant à supprimer ou à partiellement effacer des notes qu’il estime potentiellement néfastes, par exemple des intentions ou des souvenirs susceptibles de le freiner dans son projet de vie. Sont présentées ici des impressions numériques tirées du journal électronique de l’artiste.
Mots perdus réunit les œuvres de quatre artistes dont les pratiques d’inspiration textuelle explorent diverses questions d’ordre culturel, allant de l’esthétique formelle et de l’histoire de l’art au récit fictif et à l’autobiographie. Bien que leurs sensibilités soient distinctes, ces artistes partagent nombre de moyens et de stratégies d’expression : tous privilégient l’approche sérielle, ainsi que l’importance accordée aux effets de l’immédiateté, de la spontanéité et de l’intuition dans leurs pratiques respectives. Par ailleurs, si la « perte » des mots est chez eux un dénominateur commun, la signification de ce phénomène est variable. Ici les mots « disparaissent » pour évoquer de nouveaux sens au moyen d’une manipulation de formes existantes, là ils « s’éclipsent » pour situer l’individu au moyen de gestes d’affirmation ou d’effacement de soi.
ARTICLES
Lehmann, Henry. The Gazette, Montréal, Read between words at must-see show, April 15, 2006. pE4 Delgado, Jérôme. La Presse, Mots perdus : perdre son latin... et y gagner, April 21 2006. p5