"J’ai vu se mouvoir une multitude de petits animaux vivants, plus d’un millier, dont le volume était égal à celui d’un grain de sable ( ...) ces petits animaux étaient les créatures les plus misérables que j’ai jamais vues (...)."
Anthony Van Leeuwenhoek, 1676.
La galerie Pierre François Ouellette Art contemporain est heureuse de présenter Apprivoisements fugaces, une exposition d'oeuvres récentes d'Annie Thibault. Depuis 1995, Annie Thibault travaille à un projet de laboratoire vivant intitulé La chambre des cultures. Axé sur l’origine de la vie et de la pensée scientifique, ce projet explore, par le biais d’installations multidisciplinaires et la manipulation de cellules vivantes, les croisements possibles entre l’art et la biologie. Au fils des ans, ces laboratoires sont devenus ses ateliers itinérants où, comme « artiste chercheuse », elle explore et questionne les nombreux systèmes et réseaux de croissance des premiers êtres vivants. La nouvelle exposition à la galerie, Apprivoisements fugaces (Fleeting Mastery), suit la participation de l'artiste dans Méandres, une exposition de groupe produite par DAïMON et présentée conjointement avec AXENÉO7 à l'automne 2006 sous le commissariat de Nicole Gingras. Le commissaire écrit dans le catalogue de l'exposition Méandres:
« Fascinée par la mobilité des organismes microscopiques, Annie Thibault poursuit son exploration de l’infiniment petit. Dans cette œuvre, elle relève les mouvements de ces formes organiques à l’aide d’un dispositif lumineux qui lui sert de table à dessin et lui permet de faire une rétroprojection d’extraits vidéographiques dont elle isole certains extraits en de nombreux dessins. Le papier sur lequel elle trace joue le rôle d’écran et de support au dessin. L’artiste observe minutieusement les organismes microscopiques, s’ajuste et réagit à leurs mouvements. Patiemment, elle les suit à la trace, un crayon à la main et se filme dessinant. Étrange filature. Annie Thibault semble vouloir ralentir le mouvement des phénomènes qu’elle observe. S’ensuit un singulier dialogue entre son anticipation du mouvement de la forme microscopique et le mouvement qu’elle tente d’apprivoiser. Les dessins révèlent d’étranges chorégraphies faites de boucles, de replis, de brisures et de frémissements. Annie Thibault révèle : « En créant un dialogue entre le dessin et la vidéo, j’essaie de capter l’essence d’une image éphémère, opérant ainsi une valse entre le tracé de ma main et la fugacité du mouvement des spécimens microscopiques. »»1.
Dans ce curieux dialogue, Annie Thibault reprend, en les poursuivant, l’esprit de recherche et la démarche intuitive des premiers microbiologistes du XVIIe siècle qui devaient faire état de leurs observations scientifiques par l’unique moyen du dessin d’observation. Toutefois, elle a sur eux l’avantage de la table lumineuse qui lui permet de dessiner directement sur la projection des images de plancton. « J’ai l’impression d’entrer dans un rapport intime avec les spécimens observés sans passer par l’œil technologique du microscope. L’acte de dessiner prend alors tout son sens en agissant comme révélateur. Apprivoisements fugaces transmet ma volonté de cerner dans le vivant cette transition incessante entre force et fragilité, tout en explorant la relation complexe et ambiguë que l’être humain entretient avec lui. »
Annie Thibault vit et travaille à Gatineau. Privilégiant d’abord le dessin, elle intègre peu à peu la sculpture, l’installation et la vidéo dans une esthétique où s’opèrent des croisements entre l’art, la science et la nature. Depuis 1995, elle conçoit et réalise La chambre des cultures, projet de laboratoire vivant qui s’élabore au fil de résidences et d’expositions au Canada et à l’étranger, notamment, au Musée national des beaux-arts du Québec en 2002, à Metrònom Fundaciò Rafael Tous d’Art Contemporani à Barcelone en 2004 et au Musée des beaux arts du Canada en 2007
Nicole Gingras, Méandres, extrait de l'opuscule de l'exposition Méandres, produite par DAïMON et présentée conjointement avec AXENÉO7 à l'automne 2006. Annie Thibault remercie la biologiste Danièle Raby pour le prélèvement et le tournage du plancton marin dans la Baie de Gaspé. Le tournage du plancton d'eau douce a été réalisé par l'artiste dans les laboratoires de biologie de l'Université de Montréal. L'artiste remercie tout particulièrement DAÏMÕN, Nicole Gingras, François Bélanger ainsi que le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des Arts du Canada.