La galerie Pierre-François Ouellette art contemporain présente une série d’œuvres exclusives de Jérôme Fortin. Ce corpus opère comme un pendant, un clin d’œil, un renvoi à l’exposition solo « Écrans » de l’artiste au Musée d’art contemporain de Montréal (MACM, www.macm.org) tenue jusqu’au 22 avril 2007.
Autant les étendues d’« Écrans » se déclinent en neuf œuvres murales de grands formats éphémères, autant les 13 « Courts métrages » du présent solo défilent en pièces permanentes encadrées de moyen format (40 x 60’’). Encore du papier recyclé ? oui, mais quel étalonnage.
C’est indubitable, les immenses « Écrans » du musée disparaîtront pour toujours lors du démontage (dé-montage). Aucun écrin envisageable pour les conserver dans leur majestueux état. « Écrans » déchirés, éteints à jamais.
Avec la nouvelle série intitulée judicieusement « Courts métrages », l’artiste bricoleur-prestidigitateur spécialiste du plis, du replis et des jeux de renvois nous surprend à nouveau. Plutôt que de calquer l’expérience précédente, il préfère REmixer, malaxer, métisser donc compléxifier encore plus le traitement de ses images-source. La nouvelle combinaison-synthèse qu’il nous offre à la vue aujourd’hui mélange cette fois carnets de comptable, journaux espagnols, bottin des Pages Roses… aux affiches, carnets, cahiers à colorier, Mangas, cartes routières, billets de Loto-Québec. Les effets spécieux de ses nouveaux films de friction sont plus manifestes. Avec pour leurre visuel comme seul mandat, il fusionne et synthétise les sources précédentes et ses récentes trouvailles pour développer des tracés très graphiques et autres entrelacements de fines lignes inlassablement répétitives.
La superposition de bandelettes horizontales est issue du même geste et il nous appert tout aussi bien comme une métaphore du « film » cinématographique. Plutôt que le bout à bout du monteur, le collagiste-matiériste Fortin préfère le plan en côte à côte, la superposition à l’horizontal et surtout le plaisir du fil(m) à retordre. Dans le continuum de sa facture moderniste, conceptuelle voire aux accents Optical Art et zen, l’effet est cette fois par contre perturbé cognitivement par la transposition, la reformulation, la traduction d’un vocabulaire-système volontairement SURbrouillé.
Rappelons-le, le (mé-)tissage chez Fortin en appelle au tricot, au patchwork, à la courte-pointe ou encore à la ceinture flèchée (toutes pratiques d’un artisanat inscrit dans le traditionnel). Son « métier d’art » à lui (dextérité et façonnage manuel concentré et répété dans le temps) consiste à effacer toute détectabilité d’information précise pour mieux – comme il se doit dans sa démarche – nous berner. Impossible de syntoniser aucun « Écran », aucun « Court métrage ».
D’aucun a proclamé : « Trop d’informations, c’est comme pas d’information… ». Fortin s’en amuse et ab/use avantageusement de transferts de bobines (fil et film) d’une projection à l’autre entre « arrêts sur image » et « arrêts du temps » (dixit Sandra Grant Marchand). Dans la suite de la sortie (inéluctable) des « Écrans » du musée, on verra sans doute dans cette diffusion de 13 « Courts métrages » inédits une reprise/un Remake. Avec un commentaire esthétique plus lucide sur notre univers de l’hyper-communication dans lequel on ne sait plus trop à quel saint se vouer.
L'artiste remercie Emmanuel Galland pour le texte de ce communiqué.