La galerie Pierre-François Ouellette art contemporain est fière de présenter une exposition d'oeuvres photographiques d'Isabelle Hayeur et de Chih-Chien Wang en paralèlle à leur participation dans la Triennale québécoise du Musée d'art contemporain de Montréal. Composée de nouvelles oeuvres et de certaines plus anciennes, l'exposition sera l'occasion de les voir pour la première fois à Montréal.
---
Isabelle Hayeur - Les routes de sel
Les routes de sel (2003) montre un même lieu dans deux états écologiques différents. L’œuvre est séparée en deux panneaux. Lagune montre une nature abondante et riche, nourrie par l’humidité de la mer. La péninsule est envahie par les habitations au point d’en paraître fragilisée. Oued montre le même endroit, mais dans un état avancé de désertification. Des maisons, il n’en reste que plus que deux, isolées dans un paysage brûlé par le soleil. Ces deux panneaux présentés l’un en face de l’autre pour empêcher une comparaison entre un « avant » et un « après » dans une présentation fataliste de notre avenir. Au contraire, c’est devant un choix que le spectateur est placé, et devant une responsabilité.
La stratégie qu’a adoptée l’artiste est proche de celle du photomontage des avant-gardes historiques du début du vingtième siècle. Le photomontage de cette époque produit une rencontre d’éléments disparates afin de représenter le choc des forces de la modernité. Que ces éléments soient intégrés de façon plus « fine » par Hayeur n’est que l’expression d’une sensibilité contemporaine que permettent les nouvelles technologies. (…) Mais il y a plus qu’un changement de sensibilité qui différencie les collages de Hayeur de ceux des avant-gardes historiques. Les questions ne sont plus les mêmes aujourd’hui que celles qui agitaient alors l’humanité. Au début du vingtième siècle, le débat tournait autour du partage équitable des richesses inépuisables de la planète. Maintenant, c’est le sort de cette planète elle-même qui fait l’objet du débat. (….)
-Serge Bérard, tiré du catalogue Inhabiting/Habiter, Oakville Galleries, Musée national des beaux-arts du Québec, 2006, p. 34-35.
Isabelle Hayeur est née en 1969 à Montréal, où elle vit et travaille présentement. Elle détient un baccalauréat et une maîtrise en arts plastiques de l’université du Québec à Montréal. Depuis la fin des années 90, elle est connue pour ses montages numériques de grand-formats. Elle a aussi réalisé plusieurs vidéos, des installations in-situ et des oeuvres d’art Internet.
---
Chih-Chien Wang - Le temps est troué
« Je m’intéresse à l’expérience du temps : de quelle façon le temps affecte-t-il les objets, le corps, ou l’espace, et comment percevons-nous la qualité du temps. Dans le cadre de ce projet photo-vidéo, je présente surtout des objets. L’existence même d’objets constitue une trace de leur histoire : leur lieu de provenance, là où ils se trouvent, la durée de leur abandon, leur redécouverte. Le statut d’un seul objet révèle un passé individuel, mais une fois combinés, les objets évoquent un univers : l’espace dans lequel je vis, la personne que je suis.
Je préserve des traces du temps dans mon travail, mais soustrais aux objets certains éléments temporels. La manipulation d’un objet peut-elle être perçue comme une façon de lui dérober du temps, son histoire ? Je crée des réceptacles de temps troué. Le temps est troué, parce que j’ai tendance à oublier. L’espace contient de l’ignorance, et les images que je crée préservent le processus d’ignorer.
En créant mes images, je tente de soustraire au temps sa poussière, l’ignorance d’une vie civilisée qui flotte dans l’espace et adhère à la surface de mon environnement. J’apprends à confronter le temps.
Mon travail explore la vie de tous les jours, l’expérience quotidienne. Je me sers de la photographie et de la vidéo pour recréer et examiner ces moments. Ils reflètent tantôt ma compréhension des gens, tantôt la société dont je fais partie, tantôt encore la ville où je vis, et parfois, ils répondent à mon doute quant au soi. Ces moments se présentent si souvent qu’il semble normal de ne pas les voir. Or, à partir du moment où nous en prenons conscience, ils établissent en nous un dialogue. »
-Chih-Chien Wang
Né à Taiwan, Chih-Chien Wang vit et travaille à Montréal. Après des études en cinéma et en théâtre à l'Université chinoise de Taipei, il s'établit au Canada où il a completé une maîtrise en photographie à l'Université Concordia. Il a déja exposé son travail dans des musées et centres d'artistes au Canada et à l'étranger. Ses oeuvres sont dans la collection du Musée National du Québec et du Musée d'art contemporain de Montréal.